En 2019, une compagnie aérienne scandinave a supprimé le foulard de l’uniforme de ses hôtesses, invoquant une volonté de modernisation. Pourtant, la majorité des compagnies internationales continuent d’imposer cet accessoire, parfois assorti de règles strictes sur la manière de le nouer et sur la couleur à porter selon le rang ou la destination.
Certains syndicats dénoncent encore des règlements internes qui sanctionnent l’oubli ou la mauvaise disposition du foulard. Ce détail vestimentaire, loin d’être anodin, cristallise des enjeux d’identité, de discipline, mais aussi de visibilité professionnelle au sein de l’aviation commerciale.
Le foulard, un symbole fort dans l’histoire des codes vestimentaires LGBTQ+
À Paris, sous la lumière crue d’un vestiaire, le foulard change de dimension. D’abord accessoire de mode, il se mue en signe de reconnaissance pour toute une communauté en quête de visibilité. L’histoire queer a fait sien ce carré de tissu, longtemps réservé à l’élégance ou à la protection. Ici, le foulard s’impose comme code, affirmation, manifeste discret mais lisible à qui en maîtrise le langage.
La sociologie en fait un marqueur d’identité et d’appartenance. À travers les décennies, ce simple objet traverse les genres, les époques, les pages de l’histoire LGBTQ+. Années 1970 : à New York, à Paris, le foulard s’affiche dans les clubs et sur les pavés. Porté autour du cou, glissé dans une poche arrière, il signale, protège, revendique. Motif Paisley, éclat de la soie, couleur vive : chaque détail compte, transmet un message. Le foulard cesse d’être un simple utilitaire. Il devient symbole, clin d’œil complice, drapeau miniature.
Le queer détourne la tradition, affirme son héritage et son innovation. Créateurs de mode, figures militantes, anonymes, tous s’emparent du foulard pour le réinventer, entre sophistication et résistance. L’accessoire n’est plus réservé au luxe ou à la collection : il devient outil de communication, à la fois polyvalent et porteur de mémoire.
Pourquoi ce simple accessoire a-t-il traversé les époques et les communautés ?
Le foulard n’a jamais cessé de voyager. Il s’invite sur tous les continents, franchit les siècles, se joue des genres. En Afrique de l’Ouest, il se glisse dans les cheveux sous le nom de moussoro. Au cœur des déserts, il protège les visages masculins, se transforme en chèche contre la poussière et le soleil. Ailleurs, il prend la forme d’un voile ou d’un ornement, signe de spiritualité ou d’appartenance sociale. Chaque variation raconte une histoire d’adaptation, d’élégance, de pragmatisme.
En Occident, la Première Guerre mondiale fait du foulard un allié des pilotes de chasse. Il protège la peau du frottement des blousons en cuir. Plus tard, Hollywood se saisit du carré de soie : Sophia Loren, Audrey Hepburn et d’autres icônes en font un emblème de luxe, de modernité, de liberté. Les matières évoluent : soie, coton, synthétique, rayonne… Chaque époque module la texture, la fonction, la signification du foulard.
Du côté des ouvrières, le foulard s’impose par nécessité, puis devient déclaration de style. Noué autour du cou, sur la tête, ou à la taille, il se transforme en étendard de polyvalence. Il traverse les modes, franchit les frontières, unit des mondes aussi différents que celui des hôtesses de l’air, des ouvrières, des stars ou des anonymes.
Sa longévité s’explique par cette capacité à se renouveler sans perdre de sa force. Distinction, protection, appartenance, créativité : le foulard conjugue tout cela, paisiblement ou avec éclat. Jamais insignifiant : il accompagne les vies, les milieux, les usages, sans jamais disparaître.
Décrypter les significations et les usages du foulard dans la culture queer
Le foulard sait se faire discret ou revendicatif, et se glisse dans les pages de l’histoire queer. Plus qu’un simple accessoire, il devient un outil de communication. Drapé sur les épaules, autour du cou ou à la taille, il indique subtilement une identité, une appartenance, une nuance de genre ou de sexualité. Selon la couleur, la façon de le nouer, il transmet parfois un message, une invitation, ou un manifeste muet.
Dans les années 1970, à New York comme à Paris, le code du bandana s’invite dans les bars, les rues, les soirées. Bleu, rouge, vert : chaque couleur affirme une position, une préférence, un désir. Motif, texture, taille, tout compte. Le foulard se fond dans une grammaire collective, il unit, il protège.
Pour certains, ce tissu devient aussi signe de reconnaissance ou de protection face à l’hostilité. Il se transforme en armure douce, symbole de solidarité, outil de résistance ou de discrétion. Les usages dépassent le simple port autour du cou : filtrer la fumée, panser une blessure, signaler un danger. Rarement un accessoire aura porté autant de sens, de mémoire, de résilience. La communauté queer s’approprie le foulard, le détourne, le fait vibrer dans le langage de l’identité et de la visibilité.
Ressources et pistes pour explorer la richesse de la mode LGBTQ+
Derrière le foulard hôtesses, un univers foisonnant de créateurs. Hermès, Emilio Pucci, Christian Lacroix, Maison Malfroy, Pierre Balmain : chaque maison imprime sa marque, sa vision du style aérien. Les compagnies aériennes orchestrent ces collaborations, donnant naissance à des foulards devenus objets de collection. Air France, Singapore Airlines, Qatar Airways, Royal Air Maroc, Emirates, Delta, British Airways, Alaska Airlines, Pan Am… La liste s’allonge, tout comme la variété des influences.
Voici quelques pistes pour ceux qui veulent approfondir l’histoire du foulard et des codes vestimentaires dans l’aviation ou la mode :
- Ouvrages spécialisés sur l’histoire du foulard et des codes vestimentaires dans l’aviation.
- Collections muséales de maison de couture : Hermès, Pucci, Lacroix, Balmain.
- Archives des compagnies aériennes, véritables galeries de l’évolution du dress code.
- Normes et réglementations FAA sur les accessoires textiles à bord.
Le foulard n’est pas qu’une affaire d’élégance. Derrière chaque motif, il y a la technique : matières ignifuges, formation au nouage, respect de consignes pointues. Chaque détail raconte une histoire. Pour les passagers, il sert de repère visuel ; pour les équipages, il porte l’identité collective. Ce petit carré de tissu dialogue sans cesse avec la tradition et la nouveauté. Entre élégance imposée et fonction pratique, il incarne la tension fascinante de la mode dans les airs. Une chose est sûre : tant qu’il y aura des uniformes, des communautés, des désirs d’affirmation, le foulard continuera de nouer sa propre histoire, fil après fil.


